1. Le contexte. Le lycée de Montgeron. 1997 : Le lycée de Montgeron en 1997 était caractérisé par un vaste espace difficile à surveiller, une population scolaire en évolution, des problèmes de discipline et de consommation importante de cannabis.
2.Les faits. Chronologie : Entre le 21 et le 27 mai 1997, une série d’événements impliquant François Therrié-Flaux et d’autres élèves se sont produits au lycée, culminant avec la découverte du corps de François le long d’une voie ferrée le 27 mai.
3. Le comportement du proviseur : Le proviseur du lycée a adopté un comportement visant à minimiser l’affaire et à protéger sa fille, refusant de coopérer pleinement avec la police et les parents de François.
4. Le rapport de police. L’enquête initiale : Face aux silences de L’Education nationale et aux négligences que révèlent les rapports des enquêteurs, les Therrié-Flaux déposent une plainte en justice pour homicide.
5. Doutes et remarques : Les parents de François, Bernard et Mireille Therrié-Flaux, ont exprimé des doutes sur la thèse du suicide, soulignant la personnalité positive de leur fils et les circonstances suspectes entourant sa mort.
6. Le rapport d’autopsie du 29/05/1997 : Le rapport d’autopsie du 29 mai 1997 a révélé l’absence de traces de drogues dans le corps de François, mais présentait des lacunes importantes, notamment concernant l’heure du décès et certaines blessures observées.
Conclusion : En conclusion, l’affaire du décès de François Therrié-Flaux en 1997 soulève de nombreuses questions sur les circonstances de sa mort et la gestion de l’enquête par les autorités scolaires et policières.
Quelques remarques sur la vie scolaire.
A l’époque, le lycée de Montgeron dispose de plusieurs bâtiments indépendants dans un parc immense. La surveillance de cet ensemble est rendue impossible par la superficie des lieux et par le manque de surveillants. En 1997 la population scolaire avait beaucoup évolué dans cette zone de banlieue et le cannabis circulait à l’intérieur du lycée.
Quelques mois avant le décès de François, un élève de seconde avait été assassiné par un de ses camarades suite à un trafic d’objets. Le proviseur avait essayé de minimiser l’événement sous prétexte que le meurtre avait eu lieu en dehors de l’enceinte du lycée.
Malgré la discrétion de l’administration à ce sujet, la police sait que les trafics de drogue atteignent un pic cette année-là dans le lycée considéré comme « une plaque tournante ».
En fin d’année scolaire, alors que les épreuves facultatives du bac ont déjà commencé, le relâchement dans la discipline s’est accru. Ainsi l’assiduité des élèves au cours entre le 20 et le 26 mai n’est quasiment plus contrôlée.
L’amie la plus proche de François, la fille du proviseur, avait déjà été surprise à fumer du cannabis dans l’enceinte du lycée. Policiers et professeurs s’accordent pour admettre que le proviseur avouait se sentir dépassé par la conduite de sa fille.
21 mai. Vers 10h30, au lieu d’aller en cours de philosophie, la fille du proviseur va dans le studio vidéo avec une dizaine d’élèves pour terminer soi-disant le film qu’elle présentera au bac, un film qui dure cinq minutes.
Après la séance, François Therrié-Flaux, élève de terminale, est pris à fumer un joint de cannabis dans l’enceinte du lycée de Montgeron avec plusieurs élèves. L’un d’eux, en réalité étranger à l’établissement, s’enfuit. Le hasard, diront ses camarades, a voulu que ce soit François qui ait tenu le joint au moment où le proviseur-adjoint les a aperçus.
23 mai. Chacun est interrogé par une commission spécifique au lycée. Cette commission devant laquelle les élèves sont interrogés séparément comporte neuf adultes ; le proviseur et son adjointe en sont absents.
26 mai. La Police interpelle neuf élèves au lycée dans le cadre d’une enquête sur un gros trafic de cannabis. Des camarades de François fréquentaient certains de ces élèves.
Les parents ne seront jamais avertis par l’administration des absences de leur fils et de tout ce qui s’est passé au lycée le concernant pendant cette période.
27 mai. Vers 18h30 le corps de François est retrouvé le long de la voie ferrée, près de Melun, à La Rochette. Les premières constatations préciseront « très peu de sang sur soi », « vêtements dans un état correct », « montre en état de marche », sac à dos sur la voie, « non mouillé semble là depuis peu ».
28, 29, 30 mai. Interrogatoire des amis de François, du proviseur, des parents et de quelques professeurs. Selon les policiers, François aurait été heurté par un train le 27 mai à 3h 49. La Police conclut à un suicide.
Les différents objets trouvés sur les lieux du drame sont détruits ou remis à la famille sans aucune recherche, aucune analyse.
Fin juin, Bernard et Mireille Therrié-Flaux découvrent dans la chambre de leur fils deux papiers pliés ensemble, coincés contre son aquarium ; on y fait état d’un trafic important de cannabis prévu pour le mois de juillet. Ils font remettre aussitôt ce document au juge chargé des affaires de drogue au lycée au tribunal d’Evry. Sur l’une des feuilles étaient notés le nom et le numéro de téléphone d’un camarade de lycée qui participait à la réunion du 21 mai ; sur l’autre un organigramme de trafic de drogue : on y indiquait l’arrivée à Lille de 30kg de cannabis le 28 juillet partagés entre plusieurs villes françaises dont 20 kg pour Montgeron (arrivée prévue le 04 08) à répartir entre Evry, Vigneux, Draveil, Yerres, Corbeil et Epinay-sous-Sénart.
Au moment du décès de François, le proviseur cherche à effacer les liens entre le garçon et sa fille. Très vite il écarte cette dernière de cette histoire et veut étouffer l’affaire en bloquant toute information. Il oublie que François est souvent allé chez lui au cours de sa dernière année scolaire surtout, non seulement au lycée, dans « le château », mais dans sa famille dans la Manche et dans sa résidence secondaire dans le Morvan. Notons aussi que le proviseur connaissait bien la mère de François puisqu’elle avait été enseignante pendant deux ans sous son autorité. Mais comme l’a déclaré le Recteur aux parents de la victime, « il est naturel que le proviseur ait tout fait pour protéger sa fille ».
Le chef d’établissement ne se montre pas coopérant avec la police et s’abstient de lui fournir des renseignements sur ce qui se passe au lycée, si l’on en croit les témoignages du commissaire de police de Montgeron et d’un de ses lieutenants.
Il refuse de communiquer tout document aussi bien à la police qu’aux parents.
De même ne seront jamais fournis les noms des élèves présents dans le studio vidéo ni le nom des neuf personnes de la commission.
Le proviseur garde par devers lui le rapport sur l’interrogatoire des élèves du 23 mai. Dans ce rapport il apparaissait que seul François avait dit la vérité lorsqu’il avait révélé qu’il connaissait le jeune homme surnommé « Goofy ». La fille du proviseur avait invité ce dernier à la réunion mais elle n’en a rien dit à la police, ce qui était indispensable à la progression de l’enquête. Elle attendra un an avant d’avouer qu’elle connaissait bien celui qui s’était enfui et d’en donner le véritable nom. C’est cet individu qui aurait apporté le cannabis.
Très réticent dans la communication avec les parents de François, le proviseur ne veut pas revenir avec eux sur les événements qui se sont passés au lycée avant la disparition de leur fils. Mais sur leurs instances pressantes et sur celles de leurs amis professeurs, il consent à les recevoir.
19 juin. Pour la circonstance il est entouré des deux proviseurs-adjoints, de la conseillère d’éducation qui a mené l’interrogatoire et de plusieurs professeurs de la classe de François. Silencieux pendant la plus grande partie de l’entretien, il n’intervient même pas pour s’inquiéter des informations transmises à Bernard par François sur la réunion des élèves dans le studio vidéo. Il se contente de refuser aux parents la remise du bulletin scolaire de leur fils. Finalement il n’y consentira qu’à la demande des professeurs eux-mêmes.
Septembre. En réponse à la demande du Recteur il remet à ce dernier une lettre où il fait l’historique des faits. Il n’y est pas question de l’individu entré en cachette dans le lycée pour y introduire du cannabis et « fumer » avec les autres. Le proviseur modifie les heures de la réunion dans la salle vidéo en la faisant coïncider à la récréation de quinze minutes. Il masque la vérité en affirmant que seul François « fumait » alors que le joint tournait au sein du groupe et que ses camarades ont reconnu être tous en train de « fumer ».
La lettre est remplie de compassion pour la famille que le proviseur prétend avoir voulu aider et qu’il cherche encore à aider, mais les parents sont « aveuglés par la douleur ». Enfin il laisse entendre que ces derniers ne surveillaient pas suffisamment leur fils.
11 juillet, Bernard et Mireille prennent connaissance du rapport de police.
4 septembre, après avoir refusé de rencontrer les parents, le Procureur classe l’affaire.
Très vite, Bernard et Mireille sont atterrés par les négligences, les affirmations contradictoires, orientées ou gratuites, manifestes dans le rapport.
1. Contradictions, négligences et lacunes.
A deux pages d’intervalle, la description des vêtements portés par François n’est pas la même, couleurs et matière ont changé. (Ces vêtements seront brûlés à l’insu des parents.)
A propos des circonstances du décès, les policiers prétendent s’appuyer sur le témoignage « irréfutable » des chauffeurs du train qui aurait heurté François. Or ces mêmes chauffeurs ont été formels : ils n’ont rien vu.
L’heure du décès est présentée comme un fait établi parce qu’elle correspond à l’heure de passage d’un train dont les conducteurs ont entendu « un choc d’un son peu important qui a résonné dans l’essieu de la machine ». Mais quoiqu’ils aient arrêté le train et qu’ils aient rejoint à pied le conducteur d’un deuxième train qui, alerté, roulait à vue, à moins de 30km/heure derrière eux, ces chauffeurs, en dépit des pressions exercées sur eux, ont déclaré qu’ils n’avaient rien vu. Le corps n’a été aperçu que 15 heures plus tard par deux voyageurs, indépendamment, dans le même train. Plus de 90 trains étaient passés entre temps.
Le médecin de SOS Médecins qui a procédé au constat n’a pas fait de prélèvement sur place, n’a pas pris non plus de température corporelle, mesures qui auraient permis de déterminer l’heure du décès.
Aucune observation n’est donnée sur le lieu de la découverte du corps, situé à 437 m du passage à niveau, lieu inconnu de la famille.
Aucune recherche n’a été menée sur l’emploi du temps de François et de ses camarades dans les jours précédant son décès, notamment entre le 21 et le 27 mai ; les communications téléphoniques de François n’ont pas été vérifiées.
Des camarades de François ont été interrogés au commissariat, mais ses relations privilégiées avec la fille du proviseur sont passées sous silence. On ne pose aucune question ni sur la réunion du 21 mai ni sur l’identité de l’élève qui s’était échappé.
Le document remis par les parents après la mort de leur fils et faisant état d’un trafic de drogue n’est pas pris en compte. Selon le juge chargé des affaires de drogue auprès du tribunal d’Evry, le document remis à la Justice début juillet est resté dans un tiroir du tribunal sans être exploité. Par la suite, considéré comme essentiel par l’avocat de la famille, il a été traité par les policiers comme l’élément d’un jeu d’adolescents. Aucune analyse graphologique n’a été faite. Notons aussi que les policiers considèrent avec suspicion tout document trouvé par les parents et non par eux.
2. Les partis pris.
Bernard et Mireille sont aussi frappés de ne trouver dans les témoignages que des éléments qui leur sont hostiles comme si les enquêteurs cherchaient à les isoler et surtout à monter contre eux les anciens camarades de leur fils. Certains d’entre eux dressent un portrait négatif des parents sans les avoir jamais rencontrés. Enfin les policiers présentent les Therrié-Flaux comme des parents laxistes et aveugles, ignorant tout de la consommation de drogue dans les lycées.
Mais le plus douloureux et le plus révoltant pour eux tient dans le portrait que les policiers dressent de François dont ils font un filou menant une double vie.
3. La thèse du suicide.
En définitive il apparaît rapidement à la lecture du rapport que tout a été orienté d’emblée vers la thèse du suicide qui reposerait sur l’exploitation d’un document trouvé par la police en fouillant dans la chambre de la victime dès le mardi soir 27 mai. Dans un cahier de textes de l’année précédente François évoquait la mort, parlant de « balle ayant atteint mon centre nerveux cervical ». Bernard et Mireille y voient l’exploitation abusive d’un écrit d’adolescent ; en tant que professeur de lettres Mireille a souvent lu sous la plume de ses élèves des propos morbides.
Quelques heures après le début de l’enquête la thèse du suicide est diffusée dans le lycée par un professeur comme une vérité, bien avant que les parents en soient avertis. Le commissariat de Danmarie-les-Lys aurait informé celui de Montgeron (et le conseil municipal, notamment le premier adjoint, professeur au lycée) du fait qu’il s’agissait d’un suicide.
Revenus de leur stupeur, Bernard et Mireille s’interrogent.
Une seule des trois hypothèses qui s’étaient présentées à eux et qu’avait bien résumées le titre de l’article de La République de Seine et Marne a été retenue par la Police, celle du suicide.
Les nombreuses analyses toxicologiques des prélèvements faits par le médecin légiste révèlent que François ne présentait aucune trace de produits stupéfiants ni médicamenteux. L’absence de traces de THC (cannabis) moins de trois jours après le décès montre bien qu’il était tout au plus un fumeur occasionnel comme le confirmeront ses camarades.
Observations : le rapport montre à la fois des recherches très incomplètes et des conclusions sortant du champ de compétence du médecin légiste.
1. Les lacunes. Les marques de sang peu abondantes laissent supposer que le corps a pu être déplacé après le décès.
Le rapport ne donne aucune indication sur l’heure du décès.
Rappelons que le médecin de SOS Médecins venu constater le décès de François n’avait ni fait de prélèvement sur place ni pris la température corporelle. Il n’a noté ni lividités ni rigidité.
Le jour de l’inhumation plusieurs témoins ont remarqué une blessure particulière au cou, une marque nette et régulière de deux centimètres de large allant du bas du cou à gauche jusqu’à l’arrière de l’oreille droite sans que celle-ci soit blessée. Ces témoins ont écrit au tribunal de Melun pour en faire état. Plus tard un expert nommé par le juge chargé de l’instruction notera par écrit des « marques de strangulation ».
Un agent de la SNCF qui avait l’expérience des accidents ferroviaires déclarera que le visage de François ne portait manifestement pas le genre de blessure qui caractérise ces accidents avec un train qui roulait à 120km /h. Ses vêtements étaient dans un état correct et sa montre en parfait état de marche. Aucune trace de sable ou de terre n’apparaissait sous ses chaussettes, ce qui prouve qu’il n’a pas pu marcher en chaussettes le long de la voie ferrée, comme il est affirmé dans le dossier.
Plus tard la détective privée sollicitée par les parents signalera que la description des blessures par coups donnée par le même médecin légiste dans un ouvrage de médecine légale correspondait aux blessures reçues par François.
Le rapport révèle donc de graves insuffisances que dénoncera ultérieurement un expert médecin légiste consulté par les parents.
2. L’orientation tendancieuse du rapport. Le médecin a accepté comme vérités établies des affirmations non fondées du policier censé lui donner le « contexte », alors que ce dernier ne faisait pas partie des policiers qui avaient procédé aux divers interrogatoires.
Ainsi l’affirmation : « François est un jeune homme tourmenté » va déterminer toutes ses interprétations. Par exemple le médecin va renforcer ce caractère tourmenté en expliquant l’état de ses ongles coupés ras par une supposée onychophagie alors que François devait passer une audition de guitare le jour même où on a découvert son corps.
Il fait référence aux propos du cahier de texte de l’année 95-96 pour en tirer l’idée que le suicide est la seule cause de la mort de François.
Puisque ce dernier portait des cheveux longs à la manière de son idole le musicien Paco de Lucia, le policier en tire l’hypothèse « d’un crime dans le milieu homosexuel » ( !) et fait du jeune homme un garçon renfermé, torturé et craignant de confier ses problèmes à ses parents. Le médecin en arrive, lui, à dresser un portrait diffamatoire de la victime.
Le médecin légiste sort donc de sa compétence pour conforter l’orientation prise par l’enquête. Par la suite, il admettra qu’il a écrit son rapport sous l’influence du policier témoin.
Février 1998, les Therrié-Flaux déposent une plainte pour homicide auprès du tribunal de Melun et se constituent partie civile.
Qu’il s’agisse du rapport de police comme de celui du rapport d’autopsie, les parents ont le sentiment que la mort de leur fils est un fait sans importance, dénué de tout intérêt, si l’on considère toutes les négligences des enquêtes. Ils s’étonnent que les magistrats aient pu fonder leur jugement sur de tels documents.
L’objectif poursuivi semble de prouver la thèse du suicide par tous les moyens possibles : accabler les parents, tracer un portrait dévalorisant de la victime. Cette thèse apparaît le meilleur moyen pour empêcher d’établir un lien entre ce qui s’est passé au lycée et le décès de François, de mettre en relation sa disparition avec les trafics de drogue qui se déroulaient dans l’établissement.
En définitive il s’agit d’écarter toute responsabilité de l’Education nationale et en particulier de préserver la réputation du lycée de Montgeron en mettant hors de cause les responsables de la vie scolaire. Il s’agit de préserver le proviseur soucieux de protéger sa fille. Il faut clore au plus vite un dossier « sensible ».